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Textes

« La peinture est au cœur de mon travail. Elle est à la fois technique et sujet des recherches et pièces que je développe. C’est autour du rapport entre support et surface que je m’emploie à déconstruire l’objet tableau et ses composantes pour mieux jouer avec le médium lui-même et ainsi le libérer des codes classiques associés à la peinture. La toile devient alors le sujet à part entière de la représentation tout en étant confrontée à ses propres reliefs grâce aux coutures invisibles permettant aux plis et volumes de se déployer. Ces manipulations créent un trouble dans la lecture entre fond et forme, entre support et surface, mais aussi entre abstraction et figuration. 

Au-delà d’une étude de la toile, c’est autour de la notion de motif que je développe mes pièces récentes. J’explore notamment ce sujet par le prisme de l’abstraction géométrique dans la série des Trames. Issue d’une recherche sur la dentelle traditionnelle slovène, cette série s’intéresse aux textiles et savoir-faire qui lui sont associés. Tissage, broderie, tapisserie… je prélève des fragments de motifs dans l’entrelacs des dentelles et me les approprie pour faire naître de nouveaux motifs dans des compositions où formes et variations chromatiques se mêlent. Ainsi liés, transfert, dentelles, peinture à l’huile et broderies interrogent le support toile et témoignent de ce savoir-faire artisanal. C’est la mémoire de la toile que j’interroge par la technique du transfert qui capture ses plis. Mais c’est aussi une mémoire culturelle qui est incarnée dans ces travaux se réappropriant un savoir-faire reçu en héritage.

La peinture est ici étudiée sous toutes ses coutures, que ce soit par l’analyse de la toile, des pigments ou de leurs variations chromatiques.»

Margaux Simonetti, 2021

Vue de l’exposition collective Une collection #1, villa Picpus, commissaires Camille Frasca et Antoine Py, 2016

La toile devient sa propre représentation dans la série des Support-Surface de Margaux Simonetti. L’impression d’une toile qui se plisse comme le lit défait au petit matin, rappelle la sculpturalité de la matière picturale. Les éléments de l’œuvre sont autonomes et vont jusqu’à se substituer les uns aux autres : le châssis disparaît derrière la toile, tout comme la toile s’efface derrière le jeu de ses reliefs. 

Qu’il s’agisse d’une toile froissée ou d’un mobile distordu, chacune de ses créations témoigne du désir d’affranchissement du cadre imposé par le médium lui-même. Cette rébellion de la matière en son fort constitue le moyen pour l’artiste d’aller à la conquête d’un territoire sans limite.

« La peinture est tant un outil de représentation qu’une matière sculpturale à part entière que je manipule dans mes pièces. Elle fait sa propre représentation et devient ainsi le sujet même, mais est également libérée de tout artifice classique associé à la peinture en tant que médium. »

Antoine Py pour FrenchArt, 2017

Vue de l’exposition collective Jusqu’où allons-nous ?, Galerie Hausseguy et Le Silhouette, Biarritz, 2015

Mettant en pratique les leçons des artistes de mouvements récents, comme le Nouveau Réalisme, ou Supports-Surfaces, Margaux Simonetti questionne la toile comme support d’un sujet et la traite aussi comme un objet que l’on peut transformer en œuvre personnelle. Ses peintures de drapés, traités comme des paysages troublants, vont dans ce sens. 

Dans les travaux récents, on doit s’attarder sur la série des drapés, peintures-objets qui jouent sur l’ambigüité du sujet ; ces cadrages serrés d’un tissu dont on perçoit le grain, qui peuvent suggérer un paysage mais qui conduisent insensiblement vers l’abstraction sont peints sur des toiles elles-mêmes pliées, plissées, cousues, où la réalité du relief le dispute au trompe l’œil. Cette approche s’inscrit dans des courants que connaît bien Margaux Simonetti : elle poursuit à sa façon cette remise en cause du tableau comme surface peinte, traité comme un objet peint et de valorisation de l’objet qu’est la toile et son châssis pris comme une œuvre. C’est aussi une manière d’insister sur l’autonomie de la peinture par rapport à une représentation, d’en déconstruire les éléments et de les réassembler dans une composition en trois dimensions puisque le relief y a sa part.

 Denis Grandjean, membre titulaire de l’Académie de Stanislas, 2016